Comme Montmartre et Belleville, la Butte aux Cailles est une légende parisienne. Riche en histoire, ce quartier village a conservé sa personnalité surprenante, douce et éruptive à la fois. Pas touristique pour un sou, allègrement bobo et profondément arty, c'est aussi un des derniers endroits de Paris qui regorge de petites maisons avec jardin au détour de ses ravissantes rues pavées. Mais ces pépites sont-elles abordables aux non-initiés ? Et que se passe-t-il d'ailleurs vraiment dans le domaine mystérieux des cailleux ? Partons en balade immobilière !
Fiche d’identité de la Butte aux Cailles
Délimitation : la Butte aux Cailles, c’est une sorte de carré déformé dans le 13ème arrondissement, délimité par la rue de Tolbiac au Sud, la rue Barrault à l’Ouest, le boulevard Auguste Blanqui au Nord et la rue du Moulin des prés à l’Est. Il se développe autour de la rue des cinq diamants, celle de la Butte aux Cailles et de la rue Bobillot avec un point culminant... à 63 mètres.
Ambiance : village calme la journée et plus festive le soir avec tendance artistique.
Habitants : bobos, jeunes cadres dynamiques, artistes, étudiants.
Architecture : un mix de plein de styles d'immeubles sur deux ou trois étages, d'anciens ateliers et de maisons aux airs de campagne... et, bizarrerie à Paris, pas une once d'haussmannien. Comptez 10 000 euros du m² en plein coeur du quartier, 8 500 / 9 000 du m² quand on s’éloigne un peu et de 11 500 à 15 000 du m² pour des biens d’exceptions.
Accessibilité : assez central finalement et plutôt bien connecté si l'on pousse en 10 minutes à pied depuis le centre de la butte vers la place d’Italie (ligne 5,6 et 7 qui desservent tout Paris en moins de 20 minutes).
Un quartier historiquement ouvrier et rebelle
L’histoire de la butte aux Cailles commence en 1336 quand Philippe VI par un décret oblige les tanneurs et les teinturiers à quitter le coeur de Paris. Ils avaient besoin d’eau en effet pour leurs activités hydrovores mais polluaient trop fortement l’environnement et rendaient certains quartiers insalubres. Ils s’installèrent donc près de la rivière Bièvre, un affluent de la Seine, qui prenait sa source sur le plateau de Guyancourt et coulait au pied de la butte. Ce n’est qu’en 1543 qu’un illustre inconnu Pierre Caille (et qui le restera) achète un lopin de terre sur la butte et lui donne son nom. Pendant cinq siècles donc, l’artisanat intensif, notamment de bouchers et de tapissiers (la Manufacture des Gobelins date de 1601) se développe, rejetant de nouveau de nombreux polluants, asséchant fortement la Bièvre (elle finit par être recouverte en 1910) et contribuant à recréer un des environnements les plus nauséabonts et malsains de Paris.
Jusqu'ici rattachée à Gentilly, la butte aux Cailles fut annexée à Paris en 1860 au moment des grands travaux d'assainissement et d'urbanisme du baron Haussmann. Il ne put cependant pas y construire ses immeubles ni ses rues car le sous-sol calcaire abondamment exploité par les carrières était devenu fragile pour ces nouvelles constructions trop lourdes. Forte de son histoire artisanale et populaire, la Butte devint dès le début de la révolution industrielle une place forte ouvrière et rebelle, comme Belleville plus au nord. Les communards cailleux d'ailleurs s’y illustrèrent en repoussant les Versaillais à quatre reprises avant de céder et de finir fusillés pour nombre d'entre eux . La place “Place de La Commune de Paris” au point culminant de la Butte aux Cailles rappelle avec fierté ces évènements aux habitants.
Quartier village, vous avez dit village ?
Parmi ceux qui veulent acheter un appartement ou une maison à Paris, nombreux sont ceux qui ont cette nostalgie de l'ambiance village, de campagne au coeur de la ville. Mais qu'est-ce qu'un quartier village ? Pour Fabien, chasseur immobilier chez Je Rêve d'une Maison "il y a 4 critères principaux : le calme provincial avec des petites rues et places sans voiture, des commerces de bouche sympas pour faire ses courses à pied, une âme particulière qui fait que l'on se sent chez soi comme dans une bulle, et de l'immobilier charmant et de faible hauteur". Autant dire que la butte est plutôt bien servie.
Côté calme, une ballade un jour de semaine, quand les touristes parisiens ne sont pas en goguette, est même totalement surprenante. On y croise plus de chats au détour d'un portail que d'humains. Il faut dire que les voitures sont quasiment absentes du quartier du fait des rues tortueuses, souvent pavées, et de l'impossibilité de se garer. Pas de grandes avenues du coup, uniquement des ruelles pavées de charme !
La rue Alphand et le passage Barrault et Sugaud qui remontent le long de la butte sont typiques par exemple de cette ambiance un peu unique et nonchalante.
En remontant la rue Bobillot, vous tomberez sur la place Paul Verlaine, avec son terrain de pétanque, son puit artésien de 600 m de profondeur avec son eau potable gratuite pour le plus grand bonheur des voisins. La source alimente même la superbe piscine municipale de style art nouveau, inaugurée en 1924 pour soigner les enfants du quartier atteints de rachitisme. Elle propose aux beaux jours un joli bassin extérieur... enfin, proposait car elle vient de démarrer une grosse rénovation jusqu'en 2019.
Un village d'irréductibles gaulois
Hors du temps, la butte vit néanmoins depuis 1990 une vraie transformation. En effet, tandis que sous l'impulsion du maire de l'époque Jacques Toubon, on réhabilitait le quartier, élargissait les trottoirs et plantait des arbres, beaucoup des commerces de proximité se transformaient en bars et restaurants.
Depuis, le phénomène n'a fait que grossir. Le soir venu, la "Butokai" s'encanaille et la jeunesse y grimpe boire l'apéro ou faire la fête (la cité internationale n'est pas loin) au populaire "Merle moqueur" ou au Sputnik ou dans les très nombreux autres bars et ce, jusque 2 heures du matin, ressuscitant l'époque où les écrivains venaient s'enivrer sur la butte.
Au point toutefois de devenir un véritable problème pour les riverains, qui, depuis 15 ans bataillent avec un succès tout relatif contre les nuisances sonores. La mairie, elle, souhaitant préserver la dimension festive du quartier.
Le calme le soir est donc tout relatif, et de nombreuses familles lassées du bruit ont été remplacées depuis 10 ans par de nouveaux arrivants plus jeunes, et de plus en plus de locataires. A évaluer avec attention donc si vous souhaitez acheter à la Butte aux Cailles : seconde visite obligatoire un samedi soir à minuit !
Si vous cherchez à acquérir votre cocon dans le coin, vous pourrez profiter plus calmement du fameux restaurant basque "Chez Gladines", de la trattorria chic pionnière "Les Cailloux", du bistronomique "Avant-Goût", du mythique bistro coopératif très abordable "Le temps de cerises" ou encore du salon de thé "L'oisivethé".
Mais si les bistrots et les restaurants branchés se sont multipliés, pour le bonheur de certains et le malheur d'autres, le village est resté plutôt vierge de magasins d'enseignes, de banques ou autres boutiques disgracieuses. Pas plus mal ! Par contre, côté commerce de bouche, ce n'est pas l'extase : hormis les 10 boulangeries qui résistent sur la butte, on trouve peu de poissonneries, de bouchers, de fromagers ou même de marchands de journaux. La faute sans doute au temple d'Italie2 qui n'est qu'à quelques minutes. Heureusement, le marché Blanqui reste fidèle à son poste.
Côté âme arty, le quartier village de la butte sait aussi se défendre. La butte aux Cailles se visite comme une galerie un jour de vernissage ou un musée en plein air. C'est un véritable paradis des artistes de Street Art, en majuscule, pas des taggeurs s'il vous plait ! Il faut dire que les habitants, la mairie et des associations comme “Les lezards de la Bievre” soutiennent tous activement ces oeuvres depuis qu'elles ont commencé à fleurir sur les murs du quartier. Depuis, au détour des rues des cinq diamant, du passage du moulin des prés ou aux quatre coins de la butte, chacun peut découvrir les dessins féministes au pochoir de l'artiste locale Miss.Tic, du collectif Mosko & associés avec leur zoo imaginaire poétique, de Jeff Aerosol comme d'autres artistes moins connus.
Des maisons cachées et hors d'atteinte
Baladons-nous à la découverte des pépites immobilières de la butte qui mêle les styles architecturaux sans complexe.
Pour Stéphanie, chasseur d'appartement : “en terme d'appartements, on trouve principalement des studios ou des deux pièces dans de vieilles copropriétés de 2 ou 3 étages”. Ici, les grandes surfaces sont en effet quasi absentes pour les familles, ce qui contribue d'ailleurs à limiter un peu la "boboïsation" du quartier. Il existe bien des ateliers d’artistes réaménagés en loft mais ils se font rares et encore plus en plein coeur du quartier.
Côté prix, « le marché s'est envolé il y a une dizaine d'années », diagnostique Bernard Dacquin, gérant d'une agence immobilière rue des Cinq-Diamants. Aujourd'hui, un bien un peu vieillot et rafistolé ne se vend pas moins de 10.000 / 11.000 € au m2.
Le vrai miracle immobilier de la butte est donc ailleurs. Au premier chef, ce sont tous ces nombreux et mignons pavillons, avec ou sans jardin, qui contribuent à créer cet esprit village d'un autre temps et qui peuplent la rue Buot, la rue Michal, le passage Boiton.
Autant le dire tout de suite, ici, très peu de biens sont en vente, les propriétaires gardant jalousement leurs trésors. Acheter une maison dans la réputée Villa Daviel par exemple, cette charmante ruelle arborée avec des petites maisons de charme, est une gageure.
Et que dire de la petite Alsace, cette ancienne cité ouvrière construite en 1913 d'une quarantaine de maisons à colombages organisées autour de charmantes terrasses et de pelouse en fleur. Ici, c'est la campagne à Paris. Mais si vous craquez pour une de ces maisons, soyez patients, laissez trainer vos oreilles ou travaillez vos connexions secrètes, vous ne les trouverez jamais en agence !
Encore plus étonnant ? Rue Barrault, sur le toit d’une ancienne usine Citroën, se trouve un ensemble de petites maisons que l’on appelle “La petite Russie”, au surplomb de “La petite Alsace”. Ces maisons ont été inaugurées en 1912 pour loger les chauffeurs de taxis Citröen principalement d’origine russe et furent habitées après 1917 par des russes tsaristes fuyant la révolution bolchévique.
Vous l'aurez compris, ici, dans ce petit eldorado campé sur les hauteurs aux airs de province, on vit autrement. Au rythme des voisins, des amis, des artistes, des enfants. On y boit, on y rit, on y rigole dès qu'une occasion se présente et beaucoup d'artistes et célébrités y ont planté leur talent et leur tente depuis de nombreuses années.
Le vrai problème ? On n'y rentre pas facilement, ils ont mangé la clé pour ne pas être embêtés !
Vous aimeriez acheter une maison à la Butte aux Cailles ?
Eric Chatry
Cofondateur de Je Rêve d'une Maison, Eric est passionné d'immobilier et d'innovation avec une vision centrée autour des problématiques des acquéreurs.