Depuis le début du confinement le 17 mars, la France se bat pour endiguer l’épidémie de COVID-19. Si les Français s’inquiètent de l’évolution de la situation sanitaire, ils en redoutent aussi les conséquences économiques. Acquéreurs et vendeurs s’interrogent sur l’impact du Coronavirus sur l'immobilier et sur l'éventualité d'une crise immobilière qui affecterait leurs projets. Pour répondre à leurs questions, Yves Thréard, rédacteur adjoint de la rédaction du Figaro a donné la parole à 4 experts de l’immobilier lors d’un webinar organisé le 9 avril : Eric Chatry co-fondateur de Je Rêve d’une Maison, service de chasse immobilière leader sur Paris ; Paul-Henri Chopin, co-fondateur de la néo-agence Hosman et Olivier Jourdan, CEO du courtier en ligne Helloprêt, accompagnés de Maître Morgan Guilbert, notaire. Voici leur analyse.
Premier impact : le marché immobilier à l’arrêt en France
Projets d’achat et de vente d’appartements interrompus, reports de signatures, doutes sur l’évolution des prix du marché... Si les experts constatent un coup d’arrêt des transactions, ils se veulent rassurants sur une reprise progressive à Paris et dans les grandes agglomérations, dès la fin du confinement.
Le volume de biens commercialisés en baisse
Les premiers chiffres attestent d’un ralentissement du marché immobilier. Si 22.000 biens étaient en vente à Paris avant le 17 mars sur les plateformes immobilières, on en compte un peu moins de 18.000 actuellement. De son côté, le nombre des nouvelles mises sur le marché est passé d’une moyenne de 300 par jour en début d’année, à une quarantaine seulement aujourd’hui.
Pour les experts, ces chiffres ne reflètent que partiellement la réalité : il est davantage question de reports de projets d’achats et de ventes, que d’annulations. Eric Chatry de Je Rêve d’une Maison se veut rassurant : “beaucoup de projets d’acheteurs se retrouvent en stand by car les visites ne sont plus possibles. De plus, de nombreux propriétaires et agences ont temporairement retiré leurs offres et attendent la fin du confinement pour les remettre sur le marché”.
Paul-Henri Chopin d’Hosman ajoute que “la majorité des projets et des signatures d’offres d’achat initiés avant la crise du Coronavirus sont maintenus”. Les deux hommes constatent également que le taux de rétractation d’environ 10 % sur les offres d’achats actées pré-Covid, témoigne d’une chute moins brutale que prévue.
Crise sanitaire : quelles conséquences pour les acquéreurs et les vendeurs ?
Si les choses ne sont pas complètement au point mort, les démarches d’achat et de vente pourraient être rallongées. Pour les acquéreurs dont l’offre d’achat avait été acceptée et qui étaient en phase avancée de compromis avant le confinement, il convient d’être patient.
Côté banques, les délais de traitement des dossiers sont actuellement un peu rallongés. S’il était possible d’obtenir un accord de principe sous 10 jours avant le confinement, ce délai s’établit aujourd’hui entre 3 semaines et un mois.
Même son de cloche du côté des notaires. Toutefois, la profession s’est organisée au mieux pour être en mesure de signer des avants-contrats et des actes authentiques de vente électroniques à distance, à condition de parvenir à réunir tous les pièces administratives nécessaires. Comme le souligne le notaire Maître Morgan Guilbert, “l’impossibilité de revisiter un bien avant la signature, de réaliser des diagnostics, de prévoir une remise de clés ou de déménager, engendre automatiquement un report de certains dossiers à la sortie du confinement“. Certaines mairies restent cependant en mesure de fournir des documents d’urbanisme si besoin, tandis que les bureaux des hypothèques ont rouvert leurs portes depuis 1er avril.
Prêts immobiliers : vers une hausse modérée des taux
Autre inquiétude des candidats à l’achat : la hausse du taux des crédits immobiliers. Bonne nouvelle, l’augmentation devrait être mesurée.
À court terme, une hausse limitée sur les taux des crédits immobiliers
Si une hausse du taux moyen des crédits est effectivement constatée depuis le début du confinement, elle demeure limitée. Selon l’observatoire Crédit Logement CSA, cette augmentation est de 0,20 points de base pour un taux actuel de 1,35%, contre 1,15% début février.
Concrètement, quel sera l’impact de cette hausse pour les particuliers ? Pour Olivier J. d’HelloPrêt “sur un prêt moyen de 200.000 euros sur 20 ans, cela représente une augmentation de 20 à 25 euros sur la mensualité du ménage, soit une hausse mesurée”.
Mécaniquement, la capacité d’emprunt des Français diminue dans le même temps “pour reprendre l’exemple d’un prêt moyen financé de 200.000 euros sur 20 ans, la capacité d’emprunt des acquéreurs baisse de 5.000 euros de moins, ce qui reste là encore raisonnable” complète-t-il.
Enfin, si la hausse du taux moyen va se poursuivre, ce dernier ne devrait pas dépasser les 2% d’ici fin 2020, notamment grâce à l’injection massive de capitaux par la BCE.
Un resserrement des conditions d’octroi des crédits immobiliers
Les banques pourraient en revanche être encore plus pointilleuses sur les conditions d’octroi de prêts à certains ménages, notamment en matière d’apport personnel minimum attendu, de durée de crédit et de taux d’endettement.
Cette tendance qui s’observait depuis déjà quelques mois affectera davantage les primo-accédants.
Reprise du marché immobilier : les scénarii de sortie du confinement
Si l’exercice des projections reste périlleux, les professionnels s’accordent pour parier sur une reprise progressive des transactions dès la fin des mesures de confinement.
Vers un retour progressif à la normale à Paris
Plutôt qu’un rebond brutal des transactions immobilières dès la fin du confinement, les experts anticipent une reprise progressive emmenée par des acquéreurs plus prudents.
Le retour des acheteurs qui avaient reporté leur projet pourrait coïncider avec l’entrée dans la haute saison immobilière entre la fin du printemps et le début de l’été. Comme nous l’avons vu, les délais de traitement des dossiers par les banques pourraient alors être quelque peu rallongés.
Pour Olivier J. “les banques auront toutefois à coeur de rattraper leur retard. Elles ont besoin de prêter et feront en sorte de réduire ces délais de traitement. De plus, leurs fondamentaux restent bons contrairement à la crise de 2008 !”.
Un rééquilibrage des prix du marché immobilier
Si certains segments spécifiques telles que la location saisonnière ou l’immobilier de bureau devraient souffrir des conséquences économiques du confinement, le marché résidentiel, notamment dans l’ancien, ne devrait pas connaître de baisse de prix marquée.
Tout d’abord, les 2 piliers qui ont soutenu la forte hausse des prix dans les grandes agglomérations ces dernières années demeurent d’actualité : crédit bon marché et déséquilibre entre le nombre d’acheteurs et de vendeurs. Dans une ville comme Paris où on recense 26 % d’acheteurs de plus que de vendeurs, une diminution du nombre d’acquéreurs ne devrait avoir que peu d’impact sur les prix.
En revanche, un certain nombre de propriétaires pourraient avoir besoin de liquidités et revendre des biens mis en location saisonnière, type Airbnb. Ils apporteront de nouveaux biens sur le marché, notamment des petites surfaces.
La situation parisienne d’avant Covid-19 se caractérisait par un très grand nombre d’acheteurs, une faible quantité d’offres, une concurrence exacerbée ainsi que de vraies difficultés pour décrocher une visite. Pour Eric Chatry “nous anticipons plus un scénario de correction. Après 4 à 5 années de hausses des prix d’environ 8 % par an, le marché était devenu dysfonctionnel du point de vue de l’acquéreur. Nous allons sans doute revenir sur des prix un peu plus raisonnables”.
Crise du COVID : vers un changement des codes et des pratiques dans l’immobilier ?
Visites virtuelles en 3D, visio-estimations à distance, dématérialisation des processus… Des chasseurs immobiliers aux agents, en passant par les notaires et les courtiers, tous les professionnels sont sur le pied de guerre pour continuer d’aider leurs clients à préparer leur futur achat ou vente et les accompagner pendant cette période singulière. Dans le même temps, ils cherchent à anticiper les nouveaux usages pour toujours mieux les servir dans le futur.
Si tous les professionnels reconnaissent que cette crise inédite représentera un accélérateur de digitalisation pour le secteur de l’immobilier, ils se rejoignent également pour réaffirmer l’importance de la dimension humaine dans leurs métiers. “Dans une période d’incertitude comme celle que nous traversons, où le marché est peu lisible, nos clients ont plus que jamais besoin d’être soutenus, accompagnés et rassurés par des experts” rappelle enfin Eric Chatry.
Stéphane Buthaud
Stéphane est cofondateur de Je Rêve d'une Maison, passionné de belles histoires immobilières et de technologie.